Détection précoce du cancer de la prostate par le PSA : le point fin 2016

Publié le 22 Déc, 2016 par Dr J. Bron
cancer-de-la-prostate-illustration

La question du dosage du PSA pour le dépistage et la prise en charge du cancer de la prostate est toujours au centre des discussions et des controverses qui agitent le monde urologique et plus largement le monde médical.

En effet, le cancer de la prostate reste une maladie fréquente et potentiellement mortelle : on dénombre environ 9000 morts par an par cancer de la prostate en France.

Quoi de neuf depuis 2013 ?

Depuis notre article d’avril 2013 intitulé mise au point sur le dépistage du cancer de la prostate, que s’est-il passé ?

A la suite de la Haute Autorité de Santé dont nous parlions dans cet article de 2013, d’autres organismes ont également déconseillé, en particulier en 2016, le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA. Il s’agit de l’Institut du cancer et de l’Assurance-maladie en lien avec le Collège de médecine générale. Les publications de ces organismes condamnent les dosages trop fréquents du PSA (dont 88% sont prescrits par les médecins généralistes) en arguant du caractère non démontré de l’intérêt de ce dépistage.

Les urologues, par l’intermédiaire de l’Association Française d’Urologie n’ont pas voulu s’associer à cette démarche, même si les pratiques actuelles de dosages trop fréquents ou inadaptés sont monnaie courante. En effet, les arguments avancés par les “anti-PSA” sont basés sur une analyse radicalement différente de celle des “pro-PSA” dont nous faisons partie (avec des conditions précises d’utilisation).

Rappel des arguments scientifiques

Les principaux arguments des défenseurs et des détracteurs du dosage de PSA proviennent de deux grandes études scientifiques publiées en 2009. Dans chacune de ces études (dont la méthodologie était cependant différente) le devenir de deux groupes de patients a été étudié : avec ou sans dépistage du cancer de prostate, entre autres par dosage du PSA :

  1. L’étude nord-américaine appelée “PLCO” a conclu à une absence de différence significative de survie entre les deux groupes de patients. C’est principalement sur cette étude que s’appuient les « anti-PSA ». Cependant une ré-analyse récemment publiée de cette étude, a constaté un biais majeur, susceptible d’effacer l’existence d’un bénéfice éventuel du dépistage. En effet, le groupe où les patients étaient censés ne pas avoir eu de dosage du PSA ont, en réalité, eu dans plus de 80% des cas, un ou plusieurs dosages, mais effectués en dehors de l’étude. Au final, le nombre cumulé d’hommes ayant eu un dosage du PSA a même été supérieur dans le groupe qui n’aurait pas dû en avoir. Ces données rendent donc extrêmement discutables les conclusions de cette étude.
  2. L’étude européenne baptisée “ESRPC” a quant à elle conclu à une baisse de mortalité de 21% avec un recul initial de 9 ans, résultat confirmé lors des ré-évaluations ultérieures à 11 et 13 ans. Malgré ces résultats, cette étude n’a pas permis d’obtenir l’avis favorable des autorités. Au contraire. En effet, le motif principal pour ne pas retenir les résultats de l’étude ESRPC comme un élément en faveur du dépistage, était que que cette baisse de mortalité (pourtant significative !) a provoqué des sur-diagnostics et donc des conséquences potentielles liées aux traitements chez des patients non nécessairement menacés par la maladie.
    En fait, la poursuite de cette étude dans le temps (après la publication initiale) n’a fait que confirmer la baisse de mortalité liée au dépistage, en particulier dans le sous-groupe de Göteborg (l’étude concernait 8 pays européens) où l’on atteint 42% de baisse de mortalité.

D’autres arguments, en particulier l’évolution des pratiques avec l’arrivée de l’IRM dans le repérage des lésions suspectes avant biopsies de prostate, ainsi que la publication d’études validant la stratégie dite de “surveillance active” en cas de cancer répondant à certains critères, tendent à conseiller la poursuite de dosages du PSA.

Ces dosages du PSA doivent être expliqués aux patients, argumentés, réfléchis et responsables.

La réalité du PSA au quotidien en 2016

Même si nous constatons depuis un an ou deux des prescriptions plus rationnelles des dosages de PSA, nous rencontrons encore trop fréquemment des situations extrêmes :

Le PSA dosé par excès : inutile voire dangereux

Je classe dans cette catégorie les dosages de PSA prescrits :

  • Dans les bonnes tranches d’âge, mais hors indications de dépistage du cancer : par exemple en cas d’infection urinaire, de prostatite aiguë ou d’adénome de prostate symptomatique mais tout-à-fait typique. Bien évidemment le dosage du PSA n’a pas sa place dans ces situations aiguës. En revanche, si l’on souhaite, à distance, effectuer un dépistage du cancer de prostate par dosage du PSA, il faut attendre au moins 2 mois.
  • Dans les tranches d’âge où le dépistage n’est pas recommandé, y compris par les urologues : avant 50 ans (sauf famille à risque) ou après 75 ans. On voit encore beaucoup de demandes de PSA chez des hommes de 80 ans ou plus, sans qu’ils n’aient rien demandé et sans aucune histoire urinaire ou prostatique. Dans certains cas, ils n’ont que des symptômes urinaires banals à cet âge-là et cela ne justifie pas de dosage de PSA.
  • Autre cas de figure, celui où le dosage du PSA fait partie d’une liste pré-établie sur l’ordinateur du médecin. Cette pratique est bien trop souvent à l’origine de prescriptions inutiles.

Par conséquent, je conseille à mes confrères médecins généralistes, avant de rédiger une prescription de dosage du PSA de se poser les questions suivantes :

  1. Sommes-nous dans une situation où il est opportun de dépister le cancer de la prostate par un dosage du PSA ?
  2. Si oui, de quand date la dernière demande (pour éviter les dosages trop fréquents) ?
  3. Si le dosage semble opportun, le patient le souhaite-t-il ?
    Afin de pouvoir répondre à cette dernière question, le patient doit d’abord être informé.

Les discussions que j’ai eues avec certains confrères généralistes m’ont bien fait comprendre qu’engager avec le patient une longue explication sur les avantages, les inconvénients, les limites et les conséquences du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA est souvent difficile en pratique quotidienne lors d’une consultation courante. Manque de temps, parfois manque d’arguments précis, etc.

Par conséquent, afin d’aider les confrères dans leur démarche d’information, je suggère d’utiliser les arguments suivants et de dire au patient :

Voulez-vous que l’on dose votre PSA ?

Si le patient demande à quoi çà sert,  lui répondre :

C’est un test sanguin qui permet de détecter bon nombre de cancers de la prostate à un stade précoce.

Et pour aller plus loin tout en restant concis :

Le cancer de la prostate est un des cancers les plus fréquents chez l’homme, il  peut être grave et dans ce cas la seule chance de le guérir est de le traiter à un stade précoce. Mais il existe aussi des formes de cancer de la prostate, où il n’y a pas d’évolution vers une maladie grave, seulement des cellules cancéreuses mais sans évolution. Dans ces cas-là, on peut ne pas traiter d’emblée et simplement surveiller. Mais la seule façon de le savoir est d’entreprendre la démarche. Cependant ce dosage de PSA a des limites, ce n’est pas un outil parfait, car certains cancers ont des PSA normaux et à l’inverse, on peut avoir un PSA augmenté et pas de cancer de la prostate. Utilisé à bon escient, le PSA reste le meilleur outil de détection précoce du cancer de la prostate.

En 2 à 3 minutes, le médecin aura anticipé des interrogations, justifié sa prescription éventuelle et rempli son devoir d’information du patient.

Pourquoi toutes ces précautions ? Au moins une raison selon moi (mais il y en a d’autres) justifie cette démarche. En effet :

Prescrire un dosage de PSA est un acte qui engage le patient et le médecin dans une démarche de recherche d’un cancer.

Et comme il m’arrive régulièrement de le dire :

QUI DOSE LE PSA RISQUE DE DÉTECTER UN CANCER !

Combien de patients viennent nous voir avec un résultat de PSA élevé, suspect, complètement abasourdis à l’idée qu’ils ont eu un dosage dont le but était bien de détecter un cancer, chose qu’ils ignoraient..

Le PSA refusé par le médecin

A l’opposé des cas décrits ci-dessus, il existe des situations incompréhensibles pour les patients et difficilement acceptables par l’urologue, où le médecin (en dehors des cas où le dosage ne s’applique pas) refuse de prescrire le PSA. En effet, depuis 2012, c’est-à-dire depuis le début des campagnes d’incitation à l’abandon du dépistage par dosage du PSA, nous entendons régulièrement dans nos consultations des phrases de patients soulignant que leur médecin généraliste n’a pas voulu leur prescrire le dosage du PSA ou bien l’a fait à contre-cœur, parce que cela “ne sert à rien” (sic) !!!

Je n’imagine pas un instant que cette attitude ne soit pas fondée sur des arguments sincères. Cependant, ce refus, là-aussi très rarement assorti d’explications détaillées, est à mon sens dangereux.
Car en définitive, on assiste avec ce type d’attitude extrême (et non soutenue par les données scientifiques récentes) à des situations, heureusement rares, d’interprétation abusive des recommandations officielles. La principale conséquence est que cela risque de priver certains hommes d’un diagnostic précoce et d’une d’une plus grande chance de traitement efficace et de guérison d’un cancer de la prostate.

Pour plus de détails sur l’ensemble des arguments actuels des urologues résumés en 10 points, nous vous recommandons de consulter le tout dernier communiqué de presse de l’Association Française d’Urologie (fichier PDF).

En espérant que l’année 2017 permettra de trouver plus de consensus et la poursuite des progrès en matière de diagnostic et de traitement des cancers, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année.

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1 Commentaire

  1. Gosselin

    Bonne synthèse utile au médecin généraliste dans sa pratique et au patient qui étant plus clairement informé sera , je pense ,davantage compliant.
    Merci et continuons cet échange à travers les situations rencontrées chez nos patients .

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